Pierre-Antoine Poiteau, figure majeure de la botanique française du début du XIXe siècle, a mené une vie jalonnée d’expéditions scientifiques fascinantes, souvent réalisées dans des contextes politiques et sociaux tumultueux.
Ses voyages à Saint-Domingue (actuelle Haïti) et en Guyane française témoignent de son engagement inébranlable envers la science et son amour pour la nature.
Saint-Domingue : Aux origines d’un jardin botanique en pleine Révolution
En 1796, Poiteau reçoit une mission prestigieuse du Muséum national d’histoire naturelle : créer un jardin botanique à Saint-Domingue, une colonie alors en pleine effervescence révolutionnaire.
- Le départ : une traversée vers l’inconnu
À bord du navire Le Fougueux, Poiteau traverse l’Atlantique dans une traversée qui durera près d’un mois. À son arrivée, il est confronté à des défis immédiats : ses instructions officielles n’ont pas été transmises, le laissant sans appuis financiers ni soutien logistique. Ses premiers jours sont marqués par des épreuves inattendues, comme une détention brève sous ordre du commissaire Sonthonax. - Création et défis du jardin botanique
Déterminé, Poiteau s’attelle à réhabiliter le jardin du Cap, qu’il restaure avec passion. Cependant, les tensions politiques et les luttes armées entre les factions locales compliquent considérablement son travail. - Rencontre avec Pierre Turpin : une collaboration prometteuse
À Saint-Domingue, Poiteau rencontre Pierre Jean François Turpin, un militaire aux compétences de dessinateur exceptionnelles. Ensemble, ils commencent à documenter la flore locale. Poiteau rédige un premier manuscrit, Florule, une esquisse de ce qui aurait pu devenir une vaste Flore de Saint-Domingue. - Explorations botaniques malgré les dangers
Poiteau suit les traces du Père Plumier (naturaliste du XVIIe siècle), récoltant des spécimens dans les montagnes environnantes. Cependant, les violences révolutionnaires, dont le siège de Jacmel et les campagnes militaires de Toussaint Louverture, le contraignent à fuir vers les États-Unis en 1801 pour sauver ses collections. C’est le consul des Etats-Unis à Saint Domingue Edward Stevens qui l’aide pour ce départ. - Lieux marquants de Saint-Domingue :
- Le Cap : Épicentre de son travail au jardin botanique.
- Île de la Tortue : Havre de paix temporaire pour ses recherches.
- Jacmel et Santo-Domingo : Lieux d’exploration et de collecte.
Un projet inachevé, mais des avancées notables
Malgré le chaos ambiant, Poiteau ramène à Paris une riche collection de spécimens et de dessins. Ses envois incluent 1 200 espèces séchées et plusieurs manuscrits précieux.
Si vous souhaitez plus d’information sur ce voyage, je vous invite à lire l’article dédié à l’expédition botanique de Poiteau à Saint Domingue.
Guyane française : Cultures tropicales et nouvelles découvertes
En fin d’année 1818, et après 3 ans en tant que chef des pépinières royales à Versailles, Poiteau est nommé botaniste du roi et directeur des cultures en Guyane française. Sa mission : étudier et développer des plantes tropicales utiles.
- Installation à Cayenne
Poiteau s’établit à Cayenne, accompagné de sa femme, de trois de leurs enfants, et d’un membre de sa belle-famille. Ses deux aînés restent en France pour poursuivre leurs études. - Travaux à l’habitation de la Gabrielle
Située près de Cayenne, cette plantation expérimentale est le centre de ses travaux. Poiteau y mène des expériences sur l’acclimatation de plantes exotiques. - Explorations et défis
Il explore l’intérieur de la Guyane, notamment La Mana, où il participe à des commissions d’étude sur l’agriculture locale. Cependant, des conflits administratifs et politiques sur place précipitent son rappel en France en 1822. - Une contribution durable
Pendant son séjour, Poiteau envoie une série exceptionnelle de plantes vivantes au Muséum de Paris, enrichissant considérablement les collections botaniques françaises. Il rédige également des rapports sur l’agriculture tropicale, comme ses observations sur le greffage des girofliers.
Si vous souhaitez plus d’information sur ce voyage, je vous invite à lire l’article dédié à l’expédition botanique de Poiteau en Guyane.
Découvertes majeures et contributions scientifiques
Au fil de ses voyages, Poiteau a enrichi la botanique de nombreuses découvertes :
- Avancées sur les monocotylédones
Il observe que les monocotylédones perdent leur pivot racinaire après germination, un fait fondamental pour leur classification. - Nouveaux genres botaniques
Parmi ses découvertes, il nomme les genres Thouinia et Stevensia en hommage à ses bienfaiteurs André Thouin et Edward Stevens. - Découvertes agricoles
- Développement de fruits de table, dont des variétés améliorées d’oranges.
- Envois de graines rares au Muséum.
- Études sur l’Arachis hypogaea (pistache de terre / cacahuète).
- Collections remarquables
- 1 200 espèces végétales séchées.
- 600 dessins botaniques détaillés.
- 383 oiseaux, 16 reptiles et diverses coquilles collectés pour enrichir les sciences naturelles.
Un legs intemporel
Malgré les obstacles politiques et personnels, les expéditions de Poiteau ont laissé une empreinte durable. Ses travaux ont contribué à une meilleure connaissance de la flore des Caraïbes et de la Guyane, tout en enrichissant les collections botaniques françaises.
Sa passion, son dévouement et son talent artistique continuent d’inspirer, rappelant l’importance des explorateurs scientifiques dans la construction du savoir.