Accrochez-vous, car l’histoire que je vais vous conter est celle d’un maître du surréalisme qui a décidé de jouer avec la botanique comme un enfant avec des Legos au travers de sa série d’oeuvres Flordali, Les Fruits!
Dans les années 1960, Salvador Dalí, ce farceur de génie, s’empare des planches naturalistes de Pierre-Antoine Poiteau et Pierre Jean François Turpin, deux artistes botaniques d’une rigueur quasi monastique. Leur travail, empreint d’une précision scientifique, capture avec minutie chaque courbe, chaque nervure de fruits et de fleurs. Et voilà que Dalí, pinceaux en main et imagination en roue libre, décide d’en faire son propre terrain de jeu. Résultat ? Une série de lithographies complètement barrées baptisée Flordali, Les Fruits, où la rigueur du dessin naturaliste se heurte à l’absurde flamboyant du surréalisme.
Quand Dalí s’invite chez les botanistes
Imaginez un instant : Poiteau et Turpin passent des années à documenter avec sérieux la nature, composant des planches botaniques dignes des plus grands traités scientifiques. Et puis, Dalí débarque. Il regarde une simple paire de poires et y voit le théâtre d’une bataille épique. Son Don Quichotte, toujours en quête de nouveaux ennemis, s’élance contre… des poires ! Oui, des poires ! Et ce n’est que le début.

Les cerises, sous son pinceau, deviennent un Arlequin mélancolique, perdu dans une rêverie insaisissable. Une fumée de tabac invisible flotte dans l’air, comme si même la nicotine avait cédé à la folie dalinienne.

Plus loin, les prunes soigneusement illustrées par Poiteau se transforment en une scène de panique à la cour : un courtisan s’enfuit à toutes jambes, talonné par une prune manifestement menaçante. On ne sait pas exactement ce que Dalí voyait en ces fruits, mais une chose est sûre : la botanique, chez lui, prend des allures de rêve éveillé.

FlorDalí : quand la science devient délire
La série Flordali, Les Fruits est un ovni dans l’histoire de l’art. Dalí ne se contente pas d’ajouter quelques éléments surréalistes sur des illustrations existantes ; il les réinvente, les habille de son humour fantasque et de sa vision débridée du monde. Ses compositions mêlent des éléments botaniques hyperréalistes à des personnages oniriques, des créatures chimériques, et des références cryptiques à son propre univers. Au travers de FlorDalí, c’est un peu comme si un clown s’invitait à une conférence scientifique et se mettait à jongler avec les microscopes.
Prenons l’exemple de la mûre. Chez Poiteau, elle est détaillée avec un soin extrême, chaque grain méticuleusement ombré. Chez Dalí, elle devient un fauteuil club dans lequel un personnage se prélasse, comme s’il avait trouvé le canapé le plus confortable du monde. Une fusion parfaite entre la nature et l’improbable.

Dalí aimait détourner les codes et les traditions. Avec Flordali, Les Fruits, il pousse l’ironie à son paroxysme : prendre des œuvres qui incarnent la rigueur scientifique et en faire des visions surréalistes pleines de malice. Il réenchante la nature en la réinterprétant à sa façon, jouant sur l’inattendu, l’absurde et l’onirisme.
Pourquoi FlorDalí fascine encore aujourd’hui ?
Si cette série est toujours aussi captivante, c’est parce qu’elle réussit un tour de force : elle réunit deux mondes a priori incompatibles. D’un côté, la botanique, domaine de la rigueur et de la classification. De l’autre, le surréalisme, royaume du chaos et de l’imaginaire sans frontières. FlorDalí, c’est un peu comme si un scientifique et un poète s’étaient donné rendez-vous pour une partie de cartes où chaque atout serait une nouvelle surprise.
Aujourd’hui, les lithographies Flordali, Les Fruits s’arrachent sur le marché de l’art. Ces œuvres, véritables témoignages du génie fantasque de Dalí, fascinent les amateurs d’art autant que les passionnés de botanique. Elles incarnent cette capacité unique qu’avait Dalí à voir le monde autrement, à injecter du rêve dans la réalité la plus stricte.
Alors, la prochaine fois que vous croiserez une illustration botanique du XIXe siècle, prenez garde… Peut-être qu’en la regardant sous un autre angle, vous y verrez un chevalier affrontant des fruits, un Arlequin en pleine introspection ou un canapé-mûre prêt à vous accueillir pour une sieste surréaliste. Dalí, lui, l’avait bien compris : tout est une question de perspective.
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